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Safran Dans le Quercy, de l'or rouge au bout des doigts

CAJARC (Lot), 25 oct (AFP) - Réputé depuis fort longtemps pour son "or noir", les truffes, le Quercy cherche depuis quelques années à faire sortir de terre une nouvelle richesse, vermillon celle-là, en relançant la culture du safran.

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Célébré samedi dans le petit village lotois de Cajarc à l'occasion de la 6e Fête du safran, le condiment est constitué des stigmates séchés des fleurs de crocus. Cultivé dans le Lot et l'Aveyron depuis le Moyen-Age, il est ancré dans la mémoire du coin.

"Ma mère, ma grand-mère, mon arrière-grand-mère avaient toujours un plant de cette fleur mauve dans le jardin. Elles le faisaient sécher sur la cheminée et s'en servaient pour mettre dans le riz ou le pied de cochon", se souvient Charles Pegourié, producteur à Cajarc (Lot).

Une histoire de famille qui se poursuit aujourd'hui "lorsqu'on se retrouve à la veillée au coin du feu pour émonder le safran (séparer les stigmates de la fleur, ndlr)", évoque Nicolas Pradines, producteur à Carayac (Lot).

Relancée il y a 6 ans par l'Association des safraniers du Quercy, la production reste encore confidentielle (1,5 kg en 2002), comparée aux plusieurs tonnes produites chaque année au Cachemire, en Iran, en Grèce ou encore en Espagne.

"Dernièrement", raconte la secrétaire de l'association Martine Tournebeuf, "un exploitant m'a dit: +Je n'ai rien dans mon exploitation qui me rapporte autant en un mois que le safran+". A 30,50 euros le gramme, le safran quercynois se vend 4 à 5 fois plus cher que ses homologues étrangers.

Les producteurs justifient notamment ce prix élevé par un émondage rigoureux, un "vrai goût de safran" et le fait de distribuer leur produit non en poudre, mais en filaments, pour en garantir la pureté. Les possibilités de fraude sont en effet multiples, la poudre pouvant aisément être mêlée à de la brique pilée, du curcuma ou des colorants chimiques.

La concurrence étrangère n'effraie toutefois pas les safraniers du Quercy. A terme, Pascal Hérin, animateur de l'association, espère bien atteindre "les 10, 15, 20 kilos, avec une centaine de producteurs" contre une cinquantaine aujourd'hui.

Anticiper la récolte, échelonnée sur trois semaines en octobre-novembre, reste pourtant difficile. "Versatile", "mystérieuse", "elle est barge, cette fleur!", lance amusée Martine Tournebeuf. "C'est comme les champignons ou la truffe", renchérit M. Pradines, "on ne sait pas pourquoi ça va sortir ou pas". Le rendement peut ainsi être très différent d'une année sur l'autre, voire d'un producteur à l'autre.

A défaut de pouvoir contrôler la quantité, les safraniers ont bien compris qu'ils devaient s'attacher à la qualité de leur épice. Aujourd'hui, ils doivent présenter leur safran à une commission d'agrément, qui vérifie que le produit répond à 30 points de qualité. Tout est contrôlé, de l'absence de pétales à la "bonne" odeur, car "il suffit que quelqu'un fume au moment de trier le safran pour qu'on en perçoive l'odeur", explique Nicolas Pradines.

Bientôt, les critères pourraient devenir encore plus stricts. Une première réunion de cadrage a eu lieu mercredi avec l'Institut national des appellations contrôlées (Inao), en vue d'obtenir une Indication géographique protégée (IGP).

Selon Brigitte Salanson, chargée du dossier à l'Inao de Gaillac (Tarn), le safran du Quercy a toutes ses chances d'obtenir ce label européen "d'ici un à trois ans": "c'est un joli petit produit qui a une histoire locale (...), une implantation depuis des années et même des siècles". Il serait alors le premier à décrocher cette distinction en France pour le safran.


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